Mon credo tiendrait en ces quelques mots : tout, dans le Cycle de Cheval à vélo, tout procède de la bride laissée incontrôlée sur le cou d’une insolite monture, celle du langage. Tout provient du libre cours donné aux mots ainsi qu’à leurs jeux, et ce jusqu’à leur mise en éclat(s) dans l’ordre du visible.
M’émeut, me met en gésine ce hasard : VELO, mot français, n’est, à tout prendre, que l’anagramme du mot anglais LOVE (qui signifie amour et connote le désir). A retourner l’un comme un gant –chacun de ces deux mots mais aussi, avec lui, toute la langue qui le sous-tend—, ne découvre-t-on pas l’autre qui, toujours déjà, l’enserre dans sa gangue ?
De cette contingence, lubie m’a pris de faire loi. Loi et joie pour l’œil : afin de construire un nouveau jeu de l’oie, réglé comme par derrière dans une langue qui lui resterait à jamais étrangère. Mais à quelle fin ce jeu ? Pour y convoquer aussitôt feu le bâtisseur du Palais idéal.
Et l’illustre Facteur Cheval de naguère d’y faire ex abrupto son entrée.
Surtout de la refaire. Encore et toujours. Toujours déjà, en effet, le jeu recommence (et le je du Facteur de concert avec lui); tout comme recommence la fiction à chaque consultation du Fictionnaire. En chacune de ses z’entrées.
Etrange sur-place, pourtant, de notre personnage de Cheval, au fil des tableaux où il apparaît quand il ne se produit pas sur la scène d’un site internet; étrange sur-place bien qu’il s’épuise sur sa bécane. Car le jeu –c’est la Loi : loi de l’œil et des regards ; loi du visible à l’état toujours renaissant (fût-ce sur cet écran d’ordinateur et face à qui s’aventure en ce moment dans le présent Fictionnaire); loi du jeu de l’oie--, le jeu ramène notre Facteur au début : inexorablement.
Mais si peu qu’il démarre, mis en branle par le retournement de LOVE en VELO (et inversement), quelle tournée ! Tournée double, qui plus est! Tournée du facteur, d’abord, dont s’acquitte ce dernier mais qui surtout l’effectue comme tel, le transforme en Facteur, le tourneboule en Cheval ; et tournée de l’amour.
Tandis que notre quidam chevauche son désir—non, son bicycle--, fusent les titres, croissent les tableaux et prolifèrent les z’entrées du Fictionnaire : dans l’effervescence des mots et le tournoiement des lettres. Voyez plutôt comme il se démène, le bougre, l’énergumène. Tandis qu’il chevauche son bicycle –non, son désir--, voyez, voyez les lettres sauter, et la cervelle du Facteur sursauter. Voyez le langage, prenant consistance de jambes et de jambages, clandestinement le façonner : le re-cycler en Facteur Cheval. Voyez, voyez la machin’ tourner : désirante, célibataire ; délirante, langagière. Et voyez not’ Cheval se faire.
Avant qu’il ne s’emballe, tentons d’examiner son mécanisme. Drôle d’animal, en vérité, que ce Facteur Cheval ressuscité à coup de lettres et de signifiants chamboulés. Drôle d’homme ! A coup sûr d’un genre que d’aucuns, parmi les fins lettrés, qualifieraient de « lacanien ».
Facteur structuré dans du langage, pitre propulsé par des épîtres (un plein sac ne ballote-t-il pas son vrac sur son dos ?), notre Cheval n’est-il pas le type le plus accompli de l’ Homo Lacanus ?
Mais pourquoi notre homme –non, notre animal-- s’échine-t-il à pédaler pareillement? Pour quelle raison sinon pour livrer la lettre qu’il recèle, si ce n’est pour se délivrer de l’unique lettre qui, le menant par le bout des naseaux -non, du nez-, jusqu’à présent le scelle?
O ironie ! Lui pourtant ne verrait rien ? Ni lettre ni mot ? Bien qu’il passe par toutes les cases du jeu. Par toutes les z’entrées. Toutes sauf par celle qui toujours à son appel manquera.
Alors ? Reste le rêve. A chaque avancée d’un tableau, au franchissement de chaque entrée du Fictionnaire, se construit la nouvelle demeure du Facteur : affabulée, fabuleuse.
Palais de paroles. Château de lettres. Fait de papier, de gaze, d’acrylique ; d’encre de Chine, de timbres-poste, de bande plâtrée ; sans oublier le plus performant des matériaux : ce O qui passe de love à vélo et inversement.
Ainsi s’édifie le nouveau Palais idéal : d’une expo à l’autre mis chaque fois un peu plus au net, et désormais transmis par voie d'internet. Ainsi va le je du Facteur : en une suite érotique. En poursuite infinie. Ainsi se dissémine le jeu du Cycle de Cheval à vélo : en étoile sur le web. Et chaque jour ce jeu –non, ce je-- se propage davantage dans les pages du Fictionnaire comme sur les plages de la toile.
* Voir C comme Cheval, J comme Jeu, K comme Kèkchose. Somme toute, voir toutes les entrées, de A comme Abyme à N’Importe laquelle des z’entrées.